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Elle ne serait pas une vraie femme, aurait « couché » pour réussir, dirigerait un réseau de trafic d’enfants, en même temps qu’elle recevrait ses ordres d’une élite mondialiste. Et pour colistier, elle aurait choisi un soutier du « grand remplacement » de la population blanche par la population noire, défenseur des pédocriminels et même zoophile.
Depuis le 2 août, date de son investiture officielle en tant que candidate du Parti démocrate à l’élection présidentielle américaine en remplacement de Joe Biden, la vice-présidente, Kamala Harris, fait face à un tir de barrage d’une rare violence, mêlant intox décomplexées, théories du complot et attaques dégradantes.
Son tort premier ? Etre une femme. Plusieurs militants pro-Trump ont réaffirmé ces dernières semaines que l’actuelle vice-présidente avait « couché pour réussir », accusation lancinante depuis plusieurs années, au point qu’elle est devenue un mème. Les plus radicaux accusent Kamala Harris d’être une « prostituée des mondialistes » (une élite supposée contrôler le monde) qui aurait « réalisé des prestations sexuelles » dans le but de se faire connaître.
Donald Trump lui-même a prétendu que Willie Brown, ancien maire de San Francisco et ex-compagnon de Kamala Harris, lui aurait confié des « choses terribles » sur elle lors d’un trajet commun mouvementé en hélicoptère – vol qui n’a jamais eu lieu, a démenti Willie Brown.
A ces attaques sexistes s’ajoutent des rumeurs transphobes. Les franges les plus conspirationnistes, proches du mouvement QAnon, affirment que Kamala Harris est en fait un homme, dénommé Kamal Aroush. En 2023, déjà, un faux pli de robe sur une photo d’archive avait été présenté comme la « preuve » qu’elle aurait eu dans sa jeunesse un pénis. Ce procédé calomnieux, typique des cercles conspirationnistes conservateurs, a également visé Michelle Obama par le passé, de même que Brigitte Macron en France.
D’autres attaques typiques de l’extrême droite visent ses origines étrangères. Kamala Harris, qui pourrait devenir la première présidente américaine originaire d’Asie du Sud, serait inéligible, selon ces détracteurs, car ses parents sont originaires de Jamaïque et d’Inde. Mike Engleman, un militant trumpiste, a ainsi assuré qu’elle ne pouvait être élue car « aucun de ses parents n’avait la citoyenneté américaine à sa naissance ».
Cette affirmation est pourtant erronée : la Constitution américaine précise que le président doit être né américain, âgé de 35 ans au moins et vivre depuis quatorze ans sur le sol national, mais n’exige rien à propos des parents.
L’attaque rappelle celle qui visait Barack Obama : en 2009, les birthers, une communauté conspirationniste d’extrême droite, accusaient le premier président noir américain d’être de nationalité kényane comme son père, et non américaine comme sa mère, sur la foi d’un article mensonger.
A ces boules puantes sur son genre et ses origines s’ajoutent les sempiternelles accusations contre les supposés liens du Parti démocrate avec des réseaux pédophiles. En 2016, la campagne victorieuse de Donald Trump avait été marquée par le « Pizzagate », faux scandale et vraie théorie du complot mêlant Hillary Clinton et son directeur de campagne, John Podesta, à des rumeurs de soirées pédocriminelles dans le sous-sol d’une pizzeria de Washington. Le 3 août, la machine à ragots trumpiste a tenté de connecter Kamala Harris au « Pizzagate », à grand renfort de liens tarabiscotés.
Les accusations de pédophilie sont l’un des ressorts les plus joués par le complotisme trumpiste. D’autres rumeurs circulent sur des liens avec un épouvantail de la vie publique américaine, le multimilliardaire Jeffrey Epstein, poursuivi pour trafic sexuel sur mineures avant son suicide en prison en 2019. En 2021, une photo, en réalité trafiquée numériquement, présentait la vice-présidente, Kamala Harris, aux bras de M. Epstein. Depuis la mi-juillet, elle connaît un regain de circulation.
Une autre image virale, générée par intelligence artificielle, les montre en couple sur une plage. Ce type de procédé avait déjà été employé pour tenter de salir Joe Biden. Ces dernières années, le président démocrate avait été associé à une fausse liste de visiteurs de l’île d’Epstein, tout comme à une île voisine dont il aurait été prétendument propriétaire. L’un des conseillers de Donald Trump, Stephen Miller, coutumier des allégations mensongères, a même soutenu que « Joe Biden et Kamala Harris sont les plus grands trafiquants de filles et d’enfants destinés à l’esclavage sexuel de la planète Terre ».
En réponse à ces attaques, le camp de Kamala Harris a rappelé que de nombreuses photos d’archive, pour certaines authentiques, montrent Donald Trump en compagnie de Jeffrey Epstein. A la marge, quelques rares forgeries pro-Harris visent Donald Trump. Un compte pro-Harris a ainsi qualifié de « dégoûtant » le fait que l’ancien président a emprunté, lors de la campagne, un des avions ayant appartenu au milliardaire. Il omet cependant de préciser que l’équipe de Donald Trump s’était rabattue sur cet appareil après une avarie de son avion personnel et n’avait pas connaissance de l’historique de l’appareil emprunté. Plus récemment, des images montrant M. Trump en compagnie de mineures ont circulé sur les réseaux : générées par intelligence artificielle, elles ne constituent pas un document authentique.
La vague de calomnies contre la candidate démocrate, Kamala Harris, s’est rapidement étendue à Tim Walz, qu’elle a choisi comme colistier le 6 août. S’il ne prête pas le flanc aux attaques sexistes ou racistes, cet homme politique connu pour son ancrage rural a été visé par de sordides rumeurs zoophiles. Un grossier montage satirique sur le réseau social américain Reddit a lancé la rumeur qu’il avait été hospitalisé pour avoir bu du sperme de cheval… une affabulation soutenue ensuite par une fausse archive de journal local.
D’autres intox l’accusent d’avoir fait modifier le drapeau du Minnesota afin qu’il ressemble à celui de la Somalie, dans ce qui s’apparenterait à une promotion de la théorie raciste du « grand remplacement ». « Il veut désormais faire de même avec tout le pays », assure Andrew Torba, cofondateur du réseau social d’extrême droite Gab. Tim Walz n’est pourtant pas le designer de ce nouveau drapeau, qui s’inspire de « l’étoile du Nord », surnom que lui ont donné les colons français qui ont découvert cet Etat – et qui constitue sa devise depuis 1858.
Une autre rumeur assure que Tim Walz a signé une loi protégeant les pédophiles : elle se base sur une authentique loi de 2023, le Take Pride Act, qui s’oppose aux discriminations envers les personnes LGBT+, mais qui ne concerne en aucun cas les pédocriminels.
Plus classique, une intox circule sur le fait qu’il mettrait en place un système de « fraude électorale » en distribuant des permis de conduire à des migrants en situation irrégulière pour leur permettre de voter – alors que ce statut ne leur confère pas la nationalité américaine, indispensable pour participer au suffrage, rappelle le service Factuel de l’AFP.
Ces derniers jours, le camp trumpiste accusait également Kamala Harris et Tim Walz d’avoir eu recours à l’intelligence artificielle pour faire croire qu’une foule importante les attendait à leur descente d’avion, à un meeting à Detroit. Au regard de la violence des précédentes calomnies, cette fausse information ferait presque figure d’attaque dans les règles.
William Audureau
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